Ecrire et illustrer

31 octobre, 2005

 
Voici les résultats du jeu n° 19 - octobre 2005


Le sujet pour les textes était :
Répondre en 15 à 25 lignes à la fatidique question : "Mais que fait la police" ?
Votre texte doit comprendre 3 éléments aussi obligatoires qu'incontournables :
- une couleur : le mauve
- un objet : un chaudron
- une action : se brosser les dents

Le sujet pour les illustrations :
Même chose sauf que vous n'avez qu'une seule contrainte à choisir parmi les trois citées ci-dessus.

(Les textes et illustrations sont publiés dans l'ordre de leur réception).


.......


Adultère
(une chanson à rapper)

Refrain
Mais que fait la police ?
Yo man, je te le dis
Faut pas faut pas
Croire tout ce qu'on te dit

Le mauve aux yeux
J'le sens encore
Comment qu'tu m'as jeté
encore
Putain j'me sens déjà mort

Refrain

J'ai la tête dans l'chaudron
T'as tapé fort
Fallait pas, d'accord
Trop fort
Là j'suis marron, comme un con

Refrain

Hey ! Tu peux toujours
te faire brosser
Les dents ou aut' chose
brosser
M'en fous, vas-y, j'm'en fous

Je me casse
Je me tire
J'me fait la belle Adultère
(solo)

Refrain

Naya






Illustration : Kiwivole






«P’tain, fait chier ! Hexagramme 50 : le chaudron, transmutation, passage au niveau spirituel, etc. C’est trop dur, celui-là je le comprends jamais… Ou alors il a pas répondu…»
Herbert, commissaire divisionnaire, en était là de ses pensées et de sa journée. Il avait acheté le matin même (il profitait souvent de ses journées de RTT pour faire ses courses, et today, c’était RTT) une brosse à dent : il en avait besoin. Seulement elle était jaune. Et le problème qui l’occupait pour l’heure, et auquel était sensé répondre le tirage de Yi King que venait de faire Herbert et contre lequel il était en colère - vu qu’il ne le comprenait pas -, était de savoir s’il avait bien fait, ce matin, après une longue hésitation, de se décider finalement, tout bien pesé (pensait-il), pour une brosse à dent jaune, alors qu’il y en avait une mauve (ou violette, ça dépendait de la lumière) qui était très jolie aussi. Que devait faire Herbert ? Aller changer la jaune contre la violette ? Oui, mais l’emballage était maintenant ouvert et la brosse avait déjà servi une fois (après le repas de midi), tant Herbert avait hâte de l’essayer. La tension commençait à devenir insoutenable dans le cerveau du commissaire divisionnaire. Il fallait faire un choix, trancher, ne pas rester dans cet état d’hésitation catastrophique à fort relent de remords. À 14h02 Herbert décida de redescendre à la superette où il avait fait ses petites emplettes le matin, afin de prendre aussi la violette.
« Comme ça j’en aurais 2, je pourrais alterner, ou alors, j’en aurais une pour traîner ; ou pour les invités. Ou alors, je prendrais la jaune uniquement les jours de soleil ? Ou la mauve les jours impairs ? »
Enfin bref, sa décision était prise, solide et intangible, et à 14h16 (le ticket en fait foi), il passait à la caisse avec une brosse à dent violette (Herbert était content, au fond de lui, que ça ne soit pas la même caissière que le matin – sans compter que de nos jours on soupçonne vite des intentions terroristes). Et bien lui en a pris (d’acheter une brosse à dents violette). Car cela a constitué quelques temps après un alibi solide pour qu’on ne puisse pas imputer à Herbert un crime commis ce jour-là et à cette heure-là, et pour lequel (passons les détails qui s’étalèrent dans toute la presse quotidienne) les soupçons de ses collègues (sans doute maladivement jaloux de tous les jours de RTT qu’Herbert avait réussi à accumuler) s’étaient portés sur ce cher Herbert. Le ticket de caisse (qu’Herbert avait gardé pour un éventuel échange…) l’avait innocenté en inscrivant noir sur blanc ce que faisait la police, en l’occurrence la police en RTT, ou encore Herbert, ce jour-là de 14h à 14h30 : il achetait une brosse à dents violette.
« Remarque, il y en avait aussi une verte » , pensait Herbert ce soir-là, alors qu’il en était à son deuxième brossage de dents, un avec la jaune, un avec la mauve, il n’avait pas pu trancher. Herbert se tâtait…

Fabienne Séguy






Illustration : Zézette





J’ai toujours su distinguer les hommes des femmes à la façon dont ils se brossent les dents.
C’est un don.
Ça me sert beaucoup dans la vie courante.
On ne sait jamais à qui on a affaire, dit-on. Moi, si.
A un homme.
Ou à une femme.
Je ne saurais pas dire comment je m’y prends exactement, mais je ne me trompe jamais.
Ça épate mes copines.
Pas mes copains, j’en ai pas.
Un jour, une mes copines a voulu se faire passer pour un de mes copains. Mais ça n’a pas marché longtemps.
Vingt-deux secondes, pile.
Le temps qu’elle se brosse les dents.
Là, elle a bien été obligée d’en démordre.
C’est ce qu’elle m’a dit, d’ailleurs : « Je suis bien obligée d’en démordre ».
« Oui », lui ai-je répondu. « C’est comme ça. »
J’ai une très belle voix, mais seulement quand je dis « c’est comme ça ». Alors je le dis souvent.
Il y en a, on m’a dit, qui prétendent reconnaître les hommes des femmes à la couleur. Les femmes seraient plus mauves, et les hommes plus verts
Je n’y crois pas trop…
D’abord, il y a l’aspect pratique de la chose : il faut prélever des échantillons, les envoyer à un labo, attendre les résultats…
Tout cela demande une certaine dose de technicité. Et puis ça prend du temps.
Alors que moi : vingt-deux secondes.
Mes copines me disent toutes que je devrais m’engager dans la police, que mon petit talent y ferait merveille, que la police a toujours besoin de quelqu’un qui sait distinguer les hommes des femmes.
Mais que fait la police ?
Elle reçoit des lettres anonymes.
Elle découvre de longues aiguilles ensanglantées.
Elle tient le registre des plaies et des bosses.
Elle veille d’un œil attentif sur le bal du Quatorze juillet.
Elle dévisage.
Elle fait des chichis.
Elle existe, et elle n’existe pas.
On lui voit les côtes.
Elle retourne dans son bureau.
Elle mijote son frichti dans un vaste chaudron.
Elle répand la rumeur de l’écrasement de l’armée française.
Elle agite son chapeau et se salit les mains.
Elle a du courage et de la volonté.
Tout ça ne m’intéresse pas.
J’aime mieux m’asseoir et regarder mes copines se brosser les dents, en pyjama devant la rangée de lavabos.
Et savoir, pour toujours, que ce sont bien mes copines.

Yann Fastier






Illustration : Bobi





Aux confins du siècle dernier, dans un de ces microscopiques royaumes dont le Saint-Empire Romain Germanique raffolait tant, vivait dans un grand palais niché au sommet d'une montagne une princesse atteinte d'un mal étrange, qui la laissait complètement amorphe devant la vie. Jour et nuit, elle passait son temps allongée sur un lit aux draps de soie mauve, sans que rien, jamais, ne semble éveiller dans son regard la moindre étincelle, le plus petit pétillement qui caractérise la joie simple et unique d'être en vie. Se désespérant de la voir ainsi s'alanguir, comme si une fleur empoisonnée lui dévorait le cœur de l'intérieur, et pour lui permettre de regagner l'énergie, le sourire et qui sait ? Le plaisir et tout le bel argent sonnant et trébuchant qu'apporte un beau mariage, le Roi son père invita en son domaine un vieux, très vieux sorcier aux cheveux blancs filasses qui, sur ses instructions, confectionna dans un chaudron d'argent un bien peu ragoûtant philtre d'amour. Dès le lendemain, la Police des Cœurs Brisés convoqua au palais tous les hommes d'âge valide du royaume, qui durent tous, impérativement, boire un grand verre de potion cul-sec et se succéder un à un au chevet de la princesse. Las ! Le sorcier n'avait-il pas respecté les proportions de sa mixture ? Ou alors, les hommes du royaume n'avaient-ils comme qui dirait rien dans le pantalon ? Toujours est-il que, malheureusement, aucun d'entre eux ne parvint à ranimer la flamme de la belle princesse, ni même lui faire seulement entrouvrir les yeux. A partir de ce défilé, qui l'avait épuisée comme jamais, la princesse cessa de s'alimenter, dépérissant lentement mais sûrement ; le simple fait de se brosser les dents était devenu au-dessus de ses forces. Comme si elle s'était jetée par la fenêtre de sa chambre depuis le dernier étage du donjon, elle semblait couler au fond d'un gouffre d'où l'on ne remonte pas. Mais que fait la police ? se lamenta amèrement le Roi. A quoi sert-elle, si elle ne parvient pas à raccommoder les êtres et les esprits, dans cette harmonie de couleurs qui met le rouge aux joues des jolies filles et donne de beaux yeux bleus aux cœurs des amoureux ? Mais malgré les pleurs et les imprécations de son souverain de père, la belle s'éteignit deux jours plus tard, seule et abandonnée de tous, dans son grand lit aux draps de soie mauve – morte sans avoir jamais connu l'amour.

Anitta





Photo : Yobu



Je ne sais qui je suis venu voir.
C'est chez moi, je me dirige vers l'appartement où j'ai passé mon enfance.
Je traverse la cour et soudain tu es là.
Assise par terre, tu joues avec une petite fille devant l'entrée.
Le bitume est mauve comme ces trottoirs propres qui brillent après la pluie.
Il fait beau, tu portes une robe d'été à fleurs avec une dominante rose, tes cheveux sont différents, roux, tu sembles décoiffée et ton visage porte les marques de la fatigue et de la détresse.
Il n'y a aucun bruit, pas le moindre son, pas de chant d'oiseau, les gens dehors ne parlent pas.
J'avance vers toi dans du coton, je voudrais t'éviter mais tu es devant l'entrée que je dois emprunter, tu ne m'as pas vu.
En moi c'est le grand chambardement, la soupe à la grimace, je sens monter du ventre une colère formidable.
On entend une sirène et je vois passer au ralenti sur la route une voiture de gendarmerie, un break.
Et soudain tu me fixes avec un sourire pâle dans les yeux.
Et tu dis : « Enfin, te voilà, je le savais, je te l'ai dit, tu ne pourras jamais m'oublier ».
Ta voix se brise sur « m'oublier » et ma colère fait place à l'inquiétude, celle qui cloue par terre et met la tête comme un chaudron.
Une vitre éclate derrière moi, j'entends des enfants courir et quelqu'un crier « Mais que fait la police ? » et il n'y a aucun autre son.
Tu me regardes toujours et tu souris maintenant.
Je ne dis rien.
Je sens confusément que tu es ici parce que je t'y ai mise, que je vais franchir ce seuil derrière toi et que je n'y peux rien.
Tu demandes à la petite fille de rentrer, tu lui dis de penser à se brosser les dents puis vers moi tu jettes un sourire triste et tu franchis la porte.

Yobu




Je m’baladais sur l’avenue, le cœur ouvert à l’inconnu… lorsque je les aperçus : l’un, barbu, chevelu, bourru à souhait, muni de grands yeux bleus virant au mauve de colère. L’autre, gracile, le poil lisse, deux fentes en guise de mirettes qui semblaient sourire ironiquement au monde environnant.
Ils paraissaient tout droit sortis d’un chaudron magique : irréels, issus d’un cartoon à la Tex Avery, gesticulant face à face , prêt à bondir.
Mais qui étaient-ils ? pourquoi semblaient-ils se disputer au beau milieu de cette nuit d’été étoilée, plus propice à la rêverie qu’aux débats belliqueux ?
Je m’approchais discrètement d’eux ,mue par une curiosité naturelle supplantant mes craintes, prenant mon courage à deux mains( moites de frayeur) et je n’en crus pas mes yeux : j’avais devant moi deux spécimen de race l’un canine, l’autre féline, se faisant face, babines retroussées(entre parenthèse, ils auraient pu se brosser les dents !!!).
Alors que je tentai courageusement de les séparer avant qu’ils ne s’étripent, j’entendis des sirènes, vis des véhicules fondre sur moi comme la neige au soleil et me retrouvai accusée de vols d’animaux domestiques sur la voie publique.
Alors que j’étais embarquée manu-militari dans le fourgon , je vis mes deux lascars poilus prendre la tangente patte dessus-dessous et me glisser un regard en coin dans lequel l’ironie se disputait à la compassion .Je connus alors un grand moment de solitude et me dis : mais que fait la police !!!

anicub



Quel âge pouvais-je bien avoir ? Une robe mauve s’enroulait autour de mes hanches, à sa couleur, je pouvais dater l’époque : les années 80.Je me réveillais au doux son d’un violoncelle. Au fond de la chambre, un escalier en pierre conduisait mes pas vers un jardin aux odeurs de l’automne. Là, mes amis semblaient heureux, un air de fête flottait. Parmi eux se trouvait un inconnu, un bel inconnu comme on n’en voit qu’au cinéma : plutôt gros (pas gras), un regard d’un bleu qui vous donne envie d’ y plonger et le must, il fumait tranquillement une pipe. Intriguée, je m’avançais vers lui, un sourire éclairait son visage (il devait se brosser les dents après chaque repas), je m’approchais si près que je pouvais entendre sa voix suave me susurrer des mots à l’oreille et à cet instant un bruit assourdissant, un bruit de chaudron renversé me fit sursauter. Et merde ! Je ne connaîtrai jamais le goût du baiser promis.
C’est encore cette p….. de sorcière d’à-côté qui fait encore ses expériences, elle a mis fin à mon rêve. On devrait l’envoyer se faire voir ailleurs !!!
Mais que fait la police !

Nathalie D.V.

Comments: Enregistrer un commentaire



<< Home
This page is powered by Blogger. Isn't yours? eXTReMe Tracker