Ecrire et illustrer: décembre 2005

31 décembre, 2005

 
Voici les résultats du jeu n° 21 - décembre 2005


Le sujet était :

Textes :"Tiens, Grand-mère s'est arrêtée de ronfler"
(Rédigez entre 15 et 25 lignes pour faire de cette phrase ce que vous voulez).

Illustrations : idem



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- Ron...pichchch...
- !...
- Ron... pichchch...
- !...
- Ron...pichchch...
- Ron...pichchch...
- !...
- Ron... pichchch...
- !...
- Ron...pichchch...
- !...
- ...
- ?
- ...
(Tiens, Grand-mère s'est arrêtée de ronfler)

Cracra




Illustration : Cracra




Tiens, grand –mère s’est arrêtée de ronfler et je peux dire que ça m’a même réveillée.
Nous étions là, toutes les deux au coin du feu, enveloppées dans la chaleur des flammes, pendant qu’au dehors le froid mordaient les arbres.
Nous somnolions en souriant.
Son ronron lancinant me berçait, me rappelant le temps où, enfant, c’était sur ses genoux que je faisais le sieste. Elle m’endormait en chantonnant des airs familiers, et les chantait encore bien après que je me sois endormie. Puis, c’était à son tour de me rejoindre dans les rêves.
Et dans ce doux ronflement produit par ses narines, mon sommeil n’était troublé par rien.
Je la regarde dans son nouveau silence, elle sourit toujours, la bouche à demi ouverte.

Sylll



Ca y est, v’la Grand-mère qui s’est encore assoupie dans son fauteuil. Et une fois de plus, v’là qu’elle ronfle bruyamment la bouche ouverte. Fait chier. Puisque c’est comme ça, ce coup-ci y’en a marre, je vais ronfler, moi aussi, on verra bien qui va gagner à ce petit jeu !

Je branche l’aspirateur. Mm, pas de réaction. Je vais rajouter la machine à laver le linge, Héhé ! Oh, et puis le sèche linge, tant qu’on y est. Putain, elle a le sommeil profond, la vieille ! Voyons voir…. Ah oui, la télé, en bougeant juste le réglage, ça fait un beau ronflement. Et puis le chauffe biberons, le ventilateur, le four micro ondes, le sèche cheveux, le robot hacheur, l’ouvre boîte électrique ! Alors ? Arf Arf ! Et je complète avec le chauffe savates, le canon à patates, l’éventre tomates et l’écorche poulet. Lalala. Toujours pas de réaction ? Rajoutons la scie sauteuse, la scie circulaire, la machine à trancher le jambon, la tondeuse à gazon, la perceuse, le taille haies, le percolateur et… le marteur piqueur. ALORS, QUI C’EST LE PLUS FORT ?! Allez, le bouquet final (Un bouquet ? En quel honneur ?), Gniak Gniak !! : Le dernier enregistrement de l’Oreille Electronique ! AH AH ! C’EST MOI LE PLUS FORT !!! WAOUUUUUH !!!!!!

Tiens, Grand-mère s’est arrêtée de ronfler…

Michel DELLA VEDOVA





Illustration : Zézette




Encore une fois, ils l’avaient échappé belle. Les explosions s’étaient arrêtées depuis une bonne vingtaine de minutes. Ils allaient torpiller ce putain de croiseur allemand lorsqu’ils avaient été repérés par un avion. Le piège qu’ils avaient tendu au navire ennemi avait bien failli se retourner contre eux. L’îlot avait trompé le radar de leur cible mais lorsque le zinc avait fait son apparition il leur avait coupé une retraite possible. Tout avait tenu bon en bas, à part une petite voie d’eau à l’avant bâbord. Il n’y avait pas d’avarie majeure à déplorer. En ce qui concernait le pont, la passerelle et les servants des pièces d’artillerie, Rob et Martin n’en savaient rien. Le bruit d’enfer des machines pouvait très bien couvrir les hurlements des hommes. Ils le découvriraient dans peu de temps, lorsqu’ils auraient des nouvelles de là-haut et que l’on descendrait les blessés. Pour l’heure ils avaient encore du boulot s’ils voulaient que les trois moteurs du Revenge les ramènent à bon port. Un seul des trois moteurs était d’origine, et il marquait des signes de fatigue, réclamant des soins constants des deux mécanos. A plein régime, il émettait un grondement annonciateur d’une pane prochaine. Avec un peu de chance, les pièces de rechange, annoncées depuis trois bonnes semaines, seraient arrivées au port pendant leur absence. L’ordre arriva enfin de la passerelle de réduire la vitesse, au grand soulagement des deux mécaniciens. Le bruit assourdissant chuta de quelques décibels et le vieux moteur retrouva un bruit presque normal.
- Tiens, grand-mère s’est arrêtée de ronfler, remarqua Rob.

Marc Guillerot




On l’avait toujours appelée grand-mère, depuis aussi longtemps que je m’en souvienne.
Pas mère-grand (trop conte de Perrault), ni mamie (trop affectueux) , ni manou (trop moderne) ou autre mémé (sauf pour se moquer d’elle genre « faut pas pousser mémé dans les orties ! »).

A nos yeux d’enfants, c’était une créature étrange, hors du temps. Elle était de nature réservée, peu démonstrative, mélange de sagesse et de recul sur ce bas monde.
Toujours assise devant la fenêtre de sa cuisine, perdue dans ses rêves d‘antan, elle ne parlait pas, et nous n’osions pas lui poser de questions.

Le seul moment durant lequel elle s’animait était le soir, toujours à la même heure, celle où le temps s’arrêtait alors qu’elle s’endormait : là, son corps prenait vie, se soulevant par saccades régulières, un sourire se dessinant parfois sur son visage en temps ordinaire impassible.
Au bout de quelques minutes, lorsqu’elle était sans doute plongée dans des souvenirs plus apaisants, sa bouche s’entrouvrait, et elle se mettait à ronfler doucement, puis plus fort, selon un rythme souvent peu harmonieux.
Alors nous nous approchions d’elle sur la pointe des pieds, la touchions du bout des doigts puis reculions prestement, le cœur battant de peur qu’elle ne se réveille ; Nos ricanements feutrés ne parvenaient pas à l’éveiller, perdue qu’elle était dans son monde inaccessible.

Ce rituel hebdomadaire a pris fin un jour d’automne : finies les visites dominicales, grand-mère s’était arrêtée de ronfler pour toujours, emportant avec elle les mystères de son âme.

anicub




Mémé ne ronfle plus.
Maintenant elle siffle.
De 19h30 à 20h16 : La Brabançonne.
De 20h16 à 21h31 : Les trois orfèvres.
De 21h31 à 23h : Alexandrie Alexandra.
De 23h à 23h02 : Let it be.
De 23h02 à 00h45 : La groupie du pianiste.
De 00h45 à 03h11 : La Rhapsodie en si mineur, opus 2 de Siméon Lachaize-Courbet, Professeur au Conservatoire, qui lui enseigna jadis les rudiments du solfège et du kâma-sûtra.
De 03h11 à 05h20 : Les enfants du Pirée.
A 05h20, elle connaît une accalmie.
A 06h45, elle sonne.
C’est pour ça que je ne me résigne pas à l’abattre. Grâce à elle, je ne suis jamais en retard au travail. J’ai des cernes, mais je suis toujours le premier arrivé au bureau.
Là, je souffle.
Je souffle…
Je souffle…
Je soupire un petit coup…
Je resouffle.
Je soupire…
Mes collègues n’en peuvent plus.
Une pétition circule.
Je vais sûrement être renvoyé. Chez moi. Avec Mémé. Et dans la journée, Mémé, c’est pire.
Elle perce.

Yann Fastier




La vieille dame s’était pincé les joues
et dans l'espace silencieux qui suivit
elle sortit acheter une robe à fleurs
pour mourir parfumée dans son lit.

Elle, elle ferait autrement.

Alors un matin elle noua trois affaires à son sac
et quitta sa maison pour le bus et la gare.

Dans le train elle enfouit ses yeux
dans le paysage mêlé à son front
son culot la sidéra
pourtant l’offensive était juste
un rajout de vie comme de la buée sur une vitre.

bobi


Illustration : bobi




« Tiens, grand-mère s’est arrêtée de ronfler »
C’est ce que je dis en gros tous les soirs à mon copain.
En clair : « ça y est , le café est fini, tu peux débrancher la cafetière ». Car chez nous c’est comme ça, de père en fils, de mère en fille, de grand-mère en petite fille et j’en passe, on a toujours acheté du café Grand-mère. N’allez pas demander pourquoi. Est-il meilleur ? Moins cher ? Vachement mieux torréfié ? C’est comme ça, un point c’est tout (quoique c’est peut-être à cause du paquet rouge ?) En tout cas, c’est sans aucun doute du fait de cette tradition familiale bien ancrée que j’ai trouvé assez rapidement le sujet de ma thèse de sociologie : « Du café & de la famille dans la publicité et dans la vie : l’exemple du bon café Grand-mère et de L’ami Ricoré » (avec un appendice sur Lavazza et Carte noire.) Après, bon, la mention je sais pas si je l’ai eue seulement à cause du café ou aussi grâce aux amandes au chocolat que j’avais distribuées aux membres du jury avant la soutenance. A moins que ce ne soit la petite goutte de cognac que j’avais rajoutée, à tout hasard…

Fabienne Séguy





Nuit sans lune, je suis assis devant le feu.
Il y a un épervier qui tourne sur le terrain depuis la tombée de la nuit, et le bruit des sauterelles est envahissant.
J'ai trouvé des passages d'animaux en défrichant ce matin, et vu un Héron perché sur l'un des grands châtaigniers qui bordent la parcelle voisine.
J'entends des pas sourds, probablement un chevreuil, ils s'approchent chaque nuit.
Je suis monté ce matin sur le terrain faire un bout de route seul, histoire de voyager un peu entre quatre clôtures, voir où m'emmène ma tête.
J'ai pris ma gibe, une hachette, un coupe-branche et une fourche pour tracer une route droite dans les broussailles jusqu'au merisier.
Ma tente, mes gamelles, réchaud, un petit café de temps en temps.
Lorsque la nuit tombe, c'est mon affairement qui me rend invisible.
Que je fasse silence, et viennent les sons d'autour, qui m'enveloppent dans un manteau de peur.
Mes mains coupent, tranchent, cassent et plient, ma tête se déroute.
C'était bon de pouvoir t'embrasser et prononcer près de ton oreille des mots qui m'importaient.
Quand je défrichais le terrain cet été, je dormais sur place dans une tente achetée pour l'occasion.
La journée je découvrais cette terre cachée sous le foisonnement des broussailles.
La nuit.
La nuit, des heures durant, j'entends gratter sur la toile, ce sont des centaines de crickets qui tentent de franchir l'obstacle.
Peu à peu, des monticules de ronces coupées se forment dans mon dos, je ne rassemble pas, je ne veux que progresser.
Deux fins coquillages érodés par le flux et le reflux des marées, pas dormi, l'eau était glacée et le bain m'avait rendu impatient, tu voulais rester.
Ils sont toujours autour de mon cou, dans la chaîne où je les glissais pour ne pas les perdre.
Chaque nuit, des pas sourds, je m'immobilise, mon pouls s'accélère jusqu'à ce que j'identifie l'animal.
Chaque nuit des chevreuils longent la tente, leurs empreintes le matin.
Mes mains coupent et sous le choc les ronces se détendent violemment et m'éraflent partout sur les bras et les jambes.
Je pense à la mer, l'eau et juste ce cormoran qui fait sécher ses ailes avant de prendre envol.
Les sangliers surtout m'effraient, un est venu une nuit, aucun bruit de pas ou de broussailles pour trahir son approche, un grognement soudain tout contre la tente, et puis plus rien, plus rien.
Trouvé cet après-midi deux arbustes étranges, morts sous un inextricable taillis, tombés tout deux au même endroit, parallèles.
Cette lutte des plantes, cette course sans pitié pour coloniser l'espace, dehors et dessous, pour étouffer; la course des racines chaque seconde, gagner quelques centimètres par semaine.
L'étouffante lenteur de la course des plantes.
Et je sais quand tu es heureuse, c'est une infime variation de la teinte de tes yeux, je la vois mais je ne saurais la nommer.
Tiens, je voudrais dans cette grande obscurité mère de la nuit que je ne peux habiter, être le bruit sur lequel tous, autour, ils n'arrivent pas à mettre de nom, le son par lequel leur belle assurance s'est arrêtée depuis ; ronfler et m'entendre ronfler.

Yobu




Illustration : Yobu






01 décembre, 2005

 
Dieu que les gens sont étranges !
Quelles bizarreries de l'espèce humaine n'auraient pas encore été découvertes ?

Comme ça, vu en bloc, il semble que tout le monde fonctionne à peu près de la même manière, on mange, on respire (parfois pire), on dort, on grandit, on se déplace, on communique, on s'adore, on se déteste, on se lève, on rit, on pleure, on ment, on boit (trop), on trouve ça drôle, on préfère le rouge, on ne nous la fait pas, on sent bon, on reprend deux fois du dessert, on claque son pognon...
Tous, même les plus maladroits d'entre nous, faisons ces choses-là couramment. Oui mais voilà, même les choses les plus simples, nous arrivons à les faire à notre manière et c'est là que ça se complique...
François Mauriac (qui n'était pas précisément un extravagant fantaisiste) fait dire à l'un de ses personnages, un docteur je crois, que si n'importe qui nous voyait lorsque nous sommes seuls dans notre salle de bain, il nous prendrait pour un fou.
Nos bizarreries sont évidentes, omniprésentes, incontournables.
Aucun d'entre nous n'en réchappe, ni vous, ni moi, ni Robert ni Samantha, ni Tante Louise ni même Grand-mère qui vient de s'assoupir dans la tiédeur de son châle, mais dont les rêves inavouables auraient de quoi faire frémir Jack L'Eventreur.


Marc Guillerot



Règles du jeu n°21 - Spécial Noël...

Textes :

"Tiens, Grand-mère s'est arrêtée de ronfler"
(Rédigez entre 15 et 25 lignes pour faire de cette phrase ce que vous voulez).

Illustrations : idem


Date limite des migraines et autres excuses personnelles : mardi 3 janvier 2006 à 20h00...


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